Votre syndicat Viska bouleverse le paysage syndical islandais et a connu une progression de 20% de ses membres en un peu de temps, pour atteindre presque 6000 adhérents, devenant le 6e syndicat du pays. Quelles sont les raisons de ce succès ?
Tout d’abord quelques mots sur le syndicalisme islandais. Le taux de syndicalisation est très élevé, plus de 90%, dans la mesure où les syndicats gèrent une partie de l’assurance maladie et la formation professionnelle. Pour être assuré, il faut adhérer à un syndicat. De plus, les employeurs prélèvent les cotisations versées aux syndicats en même temps que celles pour l’assurance-maladie. Ce sont donc des conditions très particulières par rapport au reste du monde. L’effet pervers est que nous avons trop de syndicats, près de 140, soit plus qu’au Danemark alors qu’ils ont plus de 4 millions d’habitants et nous un peu moins de 500 000. Par ailleurs, les syndicats n’ont pas beaucoup d’efforts à faire pour conserver leurs membres et se contentent de gérer l’assurance maladie et de négocier des accords collectifs.
En 2020, je suis devenu directeur de cinq syndicats représentant les employés titulaires d’un diplôme universitaire, qui partageaient un bureau commun. Je m’étais suis rendu compte que la fragmentation des organisations syndicales ne permettait pas d’avoir un poids suffisant pour négocier de bons salaires et de bonnes conditions de travail pour nos adhérents. J’ai alors pris contact avec des syndicats nordiques similaires (Samfunnsviterne en Norvège, Akavia au Suède…) qui offrent beaucoup plus et de meilleurs services à leurs membres (des conseils, des avantages comme des tarifs négociés en matière d’assurance…) que ne le font les syndicats islandais. Je me suis inspiré de leurs pratiques. Nous avons donc créé Viska en janvier 2024, en fusionnant trois syndicats, avec la volonté d’une part, de fournir des services complets tout au long de la vie professionnelle, depuis l’orientation des étudiants jusqu’au conseil en matière de retraite, et d’autre part, de peser sur les négociations collectives pour améliorer leurs conditions de travail. Enfin, nous voulons aussi exister dans le débat public en représentant des salariés de la classe moyenne, alors que les médias se tournaient toujours vers les syndicats d’ouvriers ou d’employés pour recueillir le point de vue des salariés. Désormais nous avons acquis une vraie visibilité. Depuis la création, trois autres syndicats nous ont rejoint. Viska a bouleversé le paysage syndical ! L’image des syndicats est mauvaise : les jeunes les qualifient de vieux, ennuyeux, lents et pas attractifs. Nous sommes différents et bien plus modernes. Nous avons travaillé dur pour soigner notre image, avec un site web attrayant, des bureaux et des salles de réunion agréables pour nos membres à Reykjavik, ainsi que des services efficaces.